LIBERTÉ DE PASSAGE

Parfois il y a un déclic, devant de l’art de toujours,
avec des formes d’une époque de recherche...
Nous sommes de passage, mais pas comme dans certaines
conceptions de l’Orient, panthéiste : avec la création
personnelle responsable qui est de liberté, et « dépasse » le
système des castes, par exemple ; qui est recherche de
« progrès ».
Comment l’observateur trouve-t-il son point de vu lorsqu’il
n’y a plus de point de fuite, plus d’illusion ? C’est le
spectateur qui fait le tableau, disait Marcel Duchamp.
Le tableau est une fenêtre ouverte sur le monde.
La fenêtre est ce par quoi l’oeil soumet le visible, par quoi il
prend possession. La fenêtre est fondamentalement à la
définition du tableau. Parce que la fenêtre n’est pas
simplement une ouverture, sur un dehors ou sur une boîte. Elle
distingue deux espace, l’extérieur et l’intérieur, ou, pour ce qui
nous occupe ici, l’espace qui est sous la lumière et l’espace
qui est dans l’ombre, celui du visible et celui du caché.
Le tableau-fenêtre est une arme, une machine à voir, à voiler
et à voler. La possibilité du caché est une condition absolue du
sujet. Au temps moderne, l’intime, le territoire secret, de
l’ombre ou de l’opaque, est le lieu même du sujet. Parler
d’intime en termes de territoire soulève forcément une
question sur les frontières. « Liberté de passage » en est lié.
« MOUCHARABIEH », mousse, textile, métal. 230x190x60.
mars 2009
Le moucharabieh est un dispositif de l’architecture islamique
permettant d’observer sans être vu et de fournir de l’ombre. Il
sert essentiellement à dérober les femmes aux regards.
Le moucharabieh est pour moi une arabesque de danse où une
forme se fond dans la suivante, elles s’entrecroisent : on
distingue un bouquet, à distance, en ce qu’il est détaillé
partout pareil.
En art non figuratif ; on a recours aux verticales et aux
horizontales, de la gravité, et de l’équilibre.
Ces sculptures me font penser à celles des noeuds celtiques,
elles se détachent entre le commencement et la fin. Le
« fond » (le vide) se change et me ravit, sorte de paysage se
déplaçant, pour la poésie qui en émane. Ce sont des structures
vivantes jusqu’à des « capillaires sanguins », dirais-je, et peutêtre
des isolations subtiles.
Ces oeuvres n’ont ni commencement, ni fin. Ainsi mes
entrelacs pourraient être ceux du celtique irlandais : le dessus
et le dessous se tressent pour rendre sensible une
« synchronicité » des mondes extérieur et intérieur. La vie !
(Par mondes extérieur et intérieur, j’entends, ce que l’on voit
et ce qui est caché, mais aussi le conscient et l’inconscient, la
vie et la mort, tout comme les deux ouverture d’un même
tuyau).
Nous sommes des tuyauteries avec leurs ouvertures, leurs
orifices, des lieux d’entrées et de sortie. Nous sommes des
ouvertures d’idées et des fermetures de principes. Nous
sommes des fenêtres, des parois capitonnées, des paravents,
des tunnels, circuits qui court-circuitent avec nos attaques et
nos défenses…
De notre squelette, entre dur et mou, dureté de l’esprit et
mollesses des organes qui nous constituent.
"MOUCHARABIEH". 2009. 300x240. foam, textile, metal